L’Azuré des mouillères (Phengaris alcon ) est un magnifique petit papillon aux reflets bleutés, vivant sous les climats continentaux, en France, en Autriche, en Allemagne. Son milieu de vie naturel est la prairie fleurie, sans travail du sol. Vous allez comprendre pourquoi.
Ce papillon si spécial est myrmécophile, c’est à dire qu’il dépend des fourmis pour se reproduire et pérenniser son espèce.
Comme beaucoup de papillons aussi, il est inféodé à une seule plante pour se reproduire, c’est à dire qu’il dépend uniquement de la présence de la Gentiane des marais pour se reproduire. Ce petit papillon va pondre ses œufs sur la plante, près de l’endroit où la fleur sortira. Après environ 10 jours, les chenilles qui vont éclore vont se nourrir exclusivement du cœur de la fleur de Gentiane. Après avoir bien mangé pendant une quinzaine de jours, la chenille va descendre en rappel au sol, ou se laisser tomber de la plante. Cela pourrait paraître dangereux, beaucoup de prédateurs se promenant au sol et cherchant à manger toute la journée. Mais, cette chenille a plus d’un tour dans son sac, car ce qu’elle espère, c’est qu’un certain prédateur, ou plutôt une, va croiser son chemin.
Une fourmi plus précisément, du genre Myrnica. Ce sont des petites fourmis rousses vivants en colonies. Lorsque ces fourmis repèrent la chenille, elles s’en approchent, et à sa grande surprise, la chenille a la même odeur que les larves de fourmis. C’est grâce aux phéromones que dégage la chenille, dans le but précis de se faire rapatrier à la fourmilière.
Hop, la fourmi prend la chenille, et l’emmène dans la fourmilière, au milieu du couvain, au chaud. Et l’usurpation (ou collaboration?) ne s’arrête pas là, la chenille sait imiter les sons que font les larves de fourmis quand elles ont faim, et même, les sons que fait la reine fourmi pour être nourrie en priorité si les vivres viennent à manquer. Les fourmis s’occupent donc de la chenille comme une des leurs, aux petits soins.
Un autre insecte vient se joindre aux festivités et profiter de la présence de l’Azuré dans la fourmilière, une guêpe parasitoïde, qui se reproduit en pondant ses œufs dans les chenilles. La plupart du temps, certaines guêpes sont attirées par certaines chenilles. Dans ce cas précis, la guêpe sait dans quelle fourmilière les chenilles d’Azuré sont, ce qui reste un mystère de savoir comment la guêpe le devine. Quand la guêpe décide d’entrer dans la fourmilière, elle sait que cela peut être dangereux pour elle, alors, elle sécrète une phéromone qui fait que les fourmis s’attaquent entre elles, ce qui lui laisse le temps de pouvoir passer au travers des gardiennes et d’aller jusqu’au couvain. Arrivé là, elle pond ses œufs dans les chenilles. Elle, arrive à faire la différence entre les larves de fourmis et la chenille d’Azuré, peut-être grâce à sa vue (la chenille étant plus grosse et de couleur rouge clair, les larves étant blanches), mais qui sait ce que la magie de la nature lui permet de voir avec d’autres sens peut-être. Une fois cela fait, elle peut ressortir et retourner à ses occupations, l’espèce étant pérennisée.
La chenille, elle, continue sa vie, à manger et être dorlotée par les fourmis. Cela peut durer 2 ans, variable selon le climat et la quantité de nourriture. Même en ayant une larve de guêpe en elle. Quand elle se sent prête, elle fait sa chrysalide et entame sa transformation magique en papillon. Il faut savoir qu’une chenille dans sa chrysalide, retourne dans une forme liquide et se transforme ensuite en papillon. Incroyable nature.
Quand le papillon est prêt, au bout de 15 jours environ, il doit faire vite pour sortir de la fourmilière, car il n’émet plus de phéromone et donc devient potentiellement une proie pour les fourmis (une chance aussi pour les fourmis qui peuvent finalement peut-être profiter d’un équilibre bien fait en se nourrissant de certains papillons qui n’ont pas le temps de sortir…).
Une fois sorti, l’Azuré des mouillères repart en quête d’un autre papillon pour se reproduire, et, ainsi faire perdurer son espèce, à l’équilibre si fragile, lié à une seule plante, à un insecte, et au fait que la terre ne soit pas travaillée pour que la fourmilière, dans cette prairie fleurie, puisse elle aussi rester en vie. Vous pouvez observer ce papillon sortir des fourmilières à partir de juin sur des terrains ensoleillés et chauds, jusqu’à la mi-août dans les zones humides et plus fraîches.
La question que je me pose est la suivante : comment ce processus csest il créé au début ? Comment transmettre à leurs générations futures ce système de reproduction si il n’y a pas contact entre chenilles et papillons ? Ces processus m’émerveilleront toujours, cette adaptation imbriquée dans une collaboration, cette interdépendance entre insectes, vie du sol, monde végétal.. Et l’être humain, qui dans ces pratiques et ses activités, en connaissant cela, peut tout chambouler, rompre ces liens et ces collaborations ou les entretenir et les protéger.
Redevenons les gardiens de ces miracles de la vie, comme des protecteurs du vivant, en les aidant à vivre, en leur laissant l’espace de vie sans chercher à les contrôler. Sans que notre ego n’intervienne dans leur environnement.