Les forêts alluviales, un écosystème essentiel à revivifier
Je vous partage aujourd’hui quelques réflexions issues du livre de Gilbert Cochet et Stéphane Durand, « Ré-ensauvageons la France ».
Et je vais vous parler de la forêt ripisylve. Peut-être est-ce un mot qui vous était inconnu, tout comme moi avant la lecture de ce livre !
Qu’est ce que la forêt ripisylve ?
Il faut savoir que la France sauvage est à la base couverte de forêts. Et elle est également parcourue d’une multitude de cours d’eau formant un réseau de plus de 500 000 km. Les forêts qui poussent le long des rivières sont appelés des forêts alluviales ou forêts ripisylves.
La richesse de ces forêts est liée à un sol très riche et la présence d’eau. La rivière sauvage déborde, sort de son lit, et lorsqu’elle se retire, elle laisse des alluvions riches, servant de nourriture pour les plantes.
Pour donner un exemple, au 19e siècle, le Rhône débordait et inondait les champs de Limony au sud de Lyon. Il y déposait une épaisseur de sédiments fin qui permettait aux paysans de cultiver sans engrais pendant 40 ans. Cette anecdote est rapportée dans un livre de Charles Albin Mazon, voyage autour d’Annonay, en 1901.
Ces forêts sont d’une biodiversité exceptionnelle. Le sol est couvert de plantes vertes, et de lianes. On y trouve une multitude espèces d’oiseaux, insectes, d’amphibiens et de chauves-souris. Ce sont des forêts qui vieillissent très rapidement laissant quantité de bois mort et cavités qui abritent tout sortes d’espèces.
Et parmi toutes les espèces il y en a une particulière qui est un véritable ingénieur de l’écosystème : Le castor. Avec les barrages qu’il réalise sur les rivières, il entretient une multitude de petits habitats qui accueillent de nombreuses espèces. Pour illustrer ces propos, il faut savoir que la biomasse des invertébrés est entre deux à 5 fois supérieur dans les rivières à castor. Enfin, en coupant des arbres, le castor crée des clairières, ce qui stimule la régénération de la forêt.
La forêt alluviale nous rend trois grands services :
- Elles permettent le stockage de l’eau dans le sol en alimentant les nappes phréatiques.
- Elles sont un tampon pour réguler les crues.
- Elle purifie l’eau de ces particules ainsi que de de ces polluants chimiques et organiques.
L’état de ces forêts aujourd’hui en Europe
Une étude de WWF nous apprend que 95 % des forêts alluviales d’Europe occidentale ont disparu. Elles poussent sur des sols très riches et très profonds, naturellement irrigués qui sont donc idéal pour l’agriculture ou la construction de villes. Ils ont donc été les premiers écosystèmes européens à avoir été détruits et remplacés par des cultures ou des carrières d’extraction de sable et de graviers ou encore la construction de ville.
Par exemple, la longueur du Rhin a été divisé par 3. Il coule donc beaucoup plus vite, ce qui entraîne des inondations dévastatrices en amont au niveau des Pays-Bas.
Sur le site Géoportail, on trouve les cartes de Cassini réalisées par la famille de cartographes Cassini entre 1756 et 1815. Si on se promène dans la région de Strasbourg, voici ce que l’on peut observer et comparant cette carte à la vue actuelle :
Que faire aujourd’hui ?
Les auteurs du livre concluent cette partie en appelant les pouvoirs publics à rendre nos rivières plus sauvages. Pour cela il va falloir accepter de ne plus contrôler la nature, et de laisser la rivière aller librement, sortir de son lit à la rencontre de la forêt, briser les digues, retirer les enrochements.
Beaucoup de ces terres qui étaient autrefois occupées par des forêts alluviales appartiennent à l’État qui les loue à des agriculteurs. C’est ce qu’on appelle le domaine public fluvial. Il serait donc aisé de les récupérer, d’y supprimer toutes les digues et de laisser la rivière librement divaguer et la forêt alluviale d’y pousser.
Il sera ensuite difficile d’aller plus loin du fait qu’aujourd’hui, de nombreuses anciennes forêts alluviales sont occupées par des villes. Il faut mettre en place une gestion du territoire qui permettent aux crues de se réaliser de manière naturelle dans les zones inhabitées.
Il y aura enfin un travail à faire sur la qualité de l’eau douce, puisqu’il n’existe quasiment plus aujourd’hui de rivière sans nitrates, un des principaux engrais utilisé aujourd’hui dans l’agriculture conventionnelle. Pour réduire l’empoisonnement des rivières, il faut impérativement diminuer l’emploi des produits phytosanitaires et favoriser la reconversion vers une agriculture biologique. Il faut également réintroduire les arbres dans les paysages agricoles car ils retiennent le sol, empêchant l’érosion, et ils filtrent également une première partie des produits chimiques. Et bien sûr, les forêts alluviales seront nos meilleures alliées dans ce domaine, puisque elles vont avoir cette capacité à filtrer l’eau et la purifier de ces polluants.
On a calculé qu’une bande de forêt alluviale de 10 à 20 m de large le long d’un cours d’eau supprime 100 % des nitrates et des phosphates lorsque l’eau s’infiltre en profondeur.
La « Grande eau de Lyon » et une eau du robinet d’une excellente qualité, car elle est puisée dans une nappe phréatique qui est située sous une forêt alluviale alimentée par le Rhône.
Pour finir, j’aimerai citer cet autre argument en faveur du redéploiement de ces forêts alluviales : Tous les arbres morts qui tombent dans la rivière se retrouve finalement dans la mer. Là, ils servent de support de reproduction aux alevins, aux sèches et aux tortues. Et une fois coulés dans les grands fonds, ce bois est à la base d’une chaîne alimentaire importante. L’action destructrice des humains le long des rivières a donc des conséquences jusqu’au fond des océans. Tout est lié !